Salle Esther-Coulaud – Bibliothèque des professeurs

Salle Esther-Coulaud – Bibliothèque des professeurs

Esther Coulaud naît le 31 janvier 1885 au Dorat (Haute-Vienne), de Jean-Baptiste, Joseph, Coulaud, charron-forgeron, et de Catherine, Joséphine, Pravates, épicière, domiciliés porte de Dinsac.

Au début de sa carrière, elle est surveillante au cours secondaires de jeunes filles de la Châtre, où elle demeure après la transformation en collège. Elle est brièvement stagiaire à l’économat du lycée de garçons de Besançon. Elle est ensuite nommée maîtresse répétitrice aux lycées de jeunes filles de Guéret et de Moulins. À la rentrée 1918, elle arrive au lycée Jules-Ferry.

Dès son arrivée, on lui attribue un service important en lui confiant les études des élèves de baccalauréat (2e partie) et celles de la classe préparatoire scientifique ouverte au lycée en 1917, la première de France pour les jeunes filles[1]. La sanction de l’enseignement secondaire des jeunes filles est alors le diplôme de fin d’études secondaires (DFES), qui ne donne pas accès au baccalauréat et aux facultés. Toutefois, des préparations au baccalauréat latin-langues, dont le programmes est proche de ceux de l’enseignement féminin, sont organisées dans les lycées parisiens de jeunes filles, avec l’appui de professeurs des lycées de garçons, en particulier du lycée Carnot, à Jules-Ferry.

Comme maîtresse répétitrice, c’est-à-dire chargée d’encadrer les études qui doublaient chaque cours et représentaient alors presque la moitié du temps scolaire des externes surveillées, Esther Coulaud a contribué à la préparation de nombreuses lycéennes au baccalauréat, qui ne leur est en principe ouvert qu’en 1924, par la réforme Léon Bérard. Pendant l’Entre-deux-guerres, la préparation au baccalauréat du lycée Jules-Ferry est l’une des toute premières de France, avec 213 reçues en1920-1922[2].

D’autre part, la classe préparatoire scientifique à laquelle elle a apporté son concours, a permis de faire entrer 24 candidates à l’École centrale des Arts et Manufactures, 4 à l’Institut agronomique, 2 à l’École de physique et de chimie de la ville de Paris et un certain nombre à la Manufacture de céramique de Sèvres. Une grande proportion des premières femmes ingénieures est composée d’anciennes élèves du lycée Jules-Ferry. Parmi elles, on peut citer Sébastienne Guyot, centralienne (1918-1921), ingénieure aéronautique, athlète représentant la France aux Jeux olympiques d’Amsterdam 1928 et médaillée de la Résistance française.

Esther Coulaud demeure tandis que passent quatre directrices : Anna Amieux (1913-1919), Marguerite Caron (1919-1922), Anna Caron (1922-1934) et Jeanne Marquigny (1934-1941). Ses notations administratives révèlent le fonctionnaire : en 1921, Marguerite Caron écrit : « Mlle Coulaud est une des rares répétitrices que j’aie jamais vues aimant tout à fait son service. Son étude est conduite avec beaucoup de méthode et d’ordre, elle donne ainsi à ses élèves de bonnes habitudes, et les enfants apprécient même sa fermeté à leur égard » [3]. En 1924, Anna Caron, plus nuancée mais au caractère plus affirmé, écrit : « Très exacte, ne manque jamais. S’occupe bien de ses élèves et leur inspire confiance, elle les connaît bien et les fait bien travailler en étude et les encourage. Bonne éducation, semble avoir bon caractère, mais je ne suis pas certaine de connaître son esprit »[4]. En 1935, Jeanne Marquigny confirme : « Excellente répétitrice, très expérimentée et au courant de la maison, a beaucoup d’autorité ; fait un service irréprochable »[5].

Dans les années 1930, elle est élue représentante du personnel au conseil d’administration ; l’inspecteur d’académie qui le préside écrit : « sait, au conseil d’administration, aussi bien justifier la confiance de ses collègues que mériter les sympathies de l’administration »[6]. En 1938, la directrice regrette qu’elle ne soit pas candidate à un poste de surveillante générale[7] – qui avaient une importance toute particulière, en l’absence de censeurs des études, absents des lycées de jeunes filles jusqu’en 1945.

Officier d’académie[8] en 1919, elle est faite officier de l’Instruction publique[9] en 1930, distinction qui était loin d’être courante parmi les maîtresses répétitrices.

Le 29 novembre 1938, elle décède en son domicile, 8 rue de Berne (Paris 8e). Les obsèques ont lieu le 3 décembre 1938 à la Queue-en-Yvelines (Seine-et-Oise), en présence d’une délégation de professeurs et d’élèves, emmenée par la directrice, qui insiste « sur le vide que laisse dans la maison un fonctionnaire parfait, qui y est resté exactement 20 ans »[10]. Le recteur de l’académie de Paris fait transmettre ses condoléances à la famille[11].

La bibliothèque des professeurs, dans laquelle elle a longtemps travaillé comme bibliothécaire, est baptisée « salle Esther-Coulaud ». La plaque de laiton de la porte d’entrée été posée à la fin de l’année de 1938 ou au début de l’année 1939.


[1] AN, AJ16 1022. Notes et propositions du chef d’établissement. Paris, le 15 mars 1919.

[2] D’après les données publiées dans Agrégées, novembre 1922 et mars 1923. Cité par Françoise Mayeur, L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la Troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977, p. 427.

[3] AN, AJ16 1022. Notes et propositions du chef d’établissement. Paris, le 11 avril 1921.

[4] AN, AJ16 1022. Notes et propositions du chef d’établissement. Paris, le 22 avril 1924.

[5] AN, AJ16 1022. Notes et propositions du chef d’établissement. Paris, le 8 janvier 1935.

[6] AN, AJ16 1022. Notes et propositions de l’inspecteur d’académie. Paris, le 10 février 1936.

[7] AN, AJ16 1022. Notes et propositions du chef d’établissement. Paris, le 10 janvier 1938.

[8] Equivalent de chevalier dans l’ordre des Palmes académiques.

[9] Equivalent d’officier dans l’ordre des Palmes académiques.

[10] AN, AJ16 1022. La directrice du lycée Jules-Ferry à M. le recteur de l’académie de Paris. Paris, le 1er décembre 1938.

[11] AN, AJ16 1022. Le recteur de l’académie de Paris à Mme la directrice du lycée Jules-Ferry. Paris, le 5 décembre 1938 (brouillon). « J’ai appris avec beaucoup de peine le décès de Mlle Coulaud. Veuillez transmettre à la famille les condoléances de l’administration académique. Cette excellente répétitrice, dont le dévouement et l’attachement pour la maison ne se sont jamais démentis pendant les 20 années qu’elle y a passés, laissera parmi ses chefs et ses collègues un souvenir particulièrement ému et de profond respect ».